Après Stéphanie Wolff et Christophe-Alexandre Docquin, c’est au tour de Rime Arodaky de m’ouvrir les portes de son univers pour un portrait made in Panda. Quelques jours après son défilé, la créatrice m’a accueillie dans son showroom parisien pour une conversation autour de la mode, du mariage et des femmes en général.
Silhouette menue auréolée d’une masse de cheveux sombres, Rime m’accueille avec un sourire et un café à la main. La fatigue du défilé s’est déjà estompée de son visage, ne reste que la confiance que donne un succès mérité. Il émane de ce tanagra une douceur qui contraste avec l’énergie rock véhiculée par sa dernière collection… Rime n’est pas une femme que l’on peut cerner d’un coup d’œil. Je commence donc par le commencement: la question des origines. Rime, d’où viens-tu ?
Née en France, parents syriens, arrière-grands-parents turcs, Rime se sent Parisienne plus que française – « ça ne veut plus rien dire ! » – une double culture qui se ressent dans ses créations, avec ce tiraillement « entre le côté sexy, effronté de la Parisienne, et une sensualité pudique très orientale ». Avant d’habiller les femmes, Rime les a d’abord énormément observées. Sa mère d’abord: une femme très élégante, raffinée, qui travaillait dans les ambassades. Sa soeur, ensuite, qui l’a initiée au sens à l’époque souveraine d’Alaïa et de Versace, dans les années 80. Petite fille, Rime compose déjà ses propres catalogues: « Il y avait tout: les prix, les chaussures et la lingerie qui allaient avec… et surtout, des robes, que des robes ! Pourtant, je suis rarement en robe, sauf l’été. Ce qui plaît dans la robe, c’est son côté « d’un seul tenant »: c’est un vêtement global, qui doit flatter toute la silhouette ».
Formée à la même école que Christophe-Alexandre Docquin, la prestigieuse Chambre Syndicale de la Haute Couture, Rime se souvient de son stage chez Sonia Rykiel comme d’une étape fondatrice. A l’époque, la reine de la maille, qui l’appelait « mon petit rayon de soleil », lui demande de lui montrer ses croquis. A la jeune femme intimidée, elle évalue le travail d’un coup d’œil, et lui lance « c’est vraiment ton truc, la robe ». Une phrase qui l’a marquée et sonne aujourd’hui comme une prophétie.
Nous parlons de sa vision de la mariée d’aujourd’hui. « On m’a souvent fait reproche d’insuffler du sexy dans la robe de mariée. Mais moi, j’ai voulu penser à l’homme qui va l’accompagner, au couple, à un amour très vivant. J’aime introduire ce soupçon d’érotisme dans mes robes. Quand une maman me dit, « c’est un peu sexy quand même », je le prends comme un compliment ! » (rires). Une sensualité que l’on retrouve dans les modèles comme dans les muses de Rime: Kate Moss, Brigitte Bardot version sixties, Jane Birkin époque Gainsbourg… Des femmes très différentes, qui ont toutes en commun d’avoir mené leur vie avec une grande liberté. La femme Rime est une héroïne féministe.
Des influences que l’on retrouve dans ses références fashion: la patte de Phoebe Philo chez Chloé au début des années 2000, qui inventa une mode à la fois rigoureuse et pleine d’auto-dérision; le défilé Printemps/été 2013 de Vuitton et ses héroïnes en nuisette vaporeuses au parfum de sulfure; les débuts très rock de Nicolas Ghesquière chez Balenciaga; le New Look revisité de Raf Simmons pour sa première collection chez Dior. Je lui confesse mon amour pour les coupes féminines et résolument moderne de Dice Kayek: elle y a fait son stage de fin d’étude. Ultra féminité, rigueur et modernité de la coupe, souffle rock: tout Rime est là.
Crédit photo © La Fiancée du Panda. Photos réalisées en argentique avec un Pentax MZ30.
Je lui parle de ma théorie de la faute de goût, celle qui fait le style – une théorie partagée par rien de moins qu’Olivier Saillard, historien de la mode et directeur du musée Galliera. « Le bon goût ? Comme dit Gaultier, il faut avoir du goût. Le bon goût, c’est terriblement bourgeois. Le chic, c’est d’être soi ». Je n’aurais pas su dire mieux.
L’entretien touche à sa fin. Rime m’embrasse, s’excuse de devoir filer, un autre rendez-vous l’appelle. Au téléphone, son assistante s’excuse auprès d’une cliente: « Nous sommes complets jusqu’à mi-décembre ». Dans la pièce principale du showroom, claire et vaste, une future mariée essaye une robe avec sa mère. La prochaine est déjà à la porte. Un peu trop sexy parfois ? Peut-être, mais le charme opère.
Un grand merci à Rime et à son équipe de m’avoir accueillie.
johan
16 janvier 2016 at 11:07il y a pas de titre